Carnet de Bord

8 mars - une journée historique pour le droit des femmes

Lundi 4 mars 2024, réunit en congrès, les parlementaires ont majoritairement voté en faveur de la constitutionnalisation du droit à l'IVG :  780 votes pour et 72 votes contre. Une journée historique.

Par ce vote, la France se place à l'avant-garde de l'Histoire, en devenant le première pays à inscrire ce droit dans sa Constitution. Cela nous fait, inévitablement penser, à l'ensemble des citoyennes et citoyens du monde qui luttent encore aujourd'hui dans leur pays pour faire respecter leurs droits. Je pense aux femmes iraniennes, afghanes, polonaises, italiennes, américaines, argentines. Malheureusement, la liste est encore longue. Bien plus qu'une histoire des droits des femmes, la reconnaissance constitutionnelle du droit à l'avortement est une histoire de société, où femmes et hommes doivent s'unir pour continuer la lutte. 

Si devant l’Assemblée nationale, Simone Veil avait malheureusement dû s’excuser d’être une femme devant une “Assemblée presque exclusivement composée d’hommes”, je ne m'excuserai pas de faire partie de ces hommes défendant la liberté de recourir à l'IVG, aux côtés de ces nombreuses femmes qui depuis tant d'années mènent le combat : 

  • 1971 : publication du Manifeste des 343 appelant à la légalisation de l’avortement en France ;  
  • 1972 : les procès de Bobigny, véritable tribune contre le délit d’avortement ; 
  • 1975 : adoption de la loi Veil dépénalisant l’avortement ; 
  • 1982 : adoption de la loi Roudy permettant le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale ; 
  • 1993 : création du délit d’entrave à l’IVG ;
  • 2024 : Constitutionnalisation du droit à l'IVG. 
Ce vote historique du lundi 4 mars 2024 est d'autant plus marquant qu'il a eu lieu dans un hémicycle présidé par une femme, présidente de l'Assemblée nationale, et accueillant de nombreuses femmes parlementaires. La place des femmes s'améliore  lentement dans notre société et nous nous devons de continuer, d’accélérer ensemble, le combat pour l’égalité.

Je crois fermement qu’il est de notre rôle de législateurs de savoir s’élever au-dessus des idéologies partisanes lorsque la société nous le demande. Il en va de notre responsabilité d’agir aujourd’hui pour  protéger demain le libre choix  de nos filles et de nos petites-filles à disposer de leur corps.  

Car c’est bien de cette liberté fondamentale dont il est question dans cette nouvelle loi constitutionnelle : la liberté, personnelle et inaliénable, à disposer de son corps.  Peu importe le contexte, nos origines, nos traditions, nos proches.  

C’est d’ailleurs ainsi que Maître Gisèle Halimi avait interpellé les juges lors de l’une de ses plaidoiries en 1972 : “En jugeant aujourd’hui, (...) vous ne devrez pas esquiver la question qui est fondamentale. Est-ce qu’un humain, quel que soit son sexe, a le droit de disposer de lui-même ? Nous n’avons plus le droit de l’éviter”.  

Aujourd’hui encore moins qu’hier nous ne pouvons éviter cette question. L’onde de choc provoquée par la décision historique de la Cour Suprême américaine bouleverse nos certitudes et brise le mouvement que l’on croyait continue des progrès des droits des femmes à disposer de leurs corps. Nous devons nous interroger sur notre capacité à anticiper de tels revers en France.  
Nous constitutionnalisons ce droit fondamental car nous pouvons le faire aujourd’hui, car les forces politiques en présence nous permette de le faire. Mais demain ? Qui ici peut nous assurer que les prochains gouvernements ne remettront pas en cause nos avancées ?  Ainsi, Nous le faisons pour lui offrir la protection la plus forte qui soit. Non pas seulement parce que l’avenir peut effrayer, mais parce qu’attendre que le droit à l’avortement soit effectivement menacé dans notre pays c’est attendre qu’il soit trop tard pour le protéger. 

Néanmoins, pour certains encore, le droit à l’IVG n’est pas menacé en France, ne justifiant ainsi pas son inscription dans notre norme suprême. Bien sûr, je n’oublie pas que la jurisprudence du conseil constitutionnel l’a reconnu conforme à la Constitution. Mais cela ne suffit plus. Car oui, les anti-IVG sont toujours bien présents dans notre pays et entravent ce droit. Nous ne pouvons nous voiler la face. J’en veux pour preuve les courriers et les mails que nous recevons régulièrement depuis que ce texte est à l’ordre du jour. Ainsi en va-t-il aussi des campagnes fréquentes des anti-avortement.  Plus proche de nous encore, le 24 janvier dernier, 30 voix se sont opposées à la constitutionnalisation de l’IVG à l’Assemblée nationale, 50 au Sénat et 72 lors du vote par le Congrès. Sous couvert d’une soi-disant meilleure protection des femmes et de leurs intérêts, tous les arguments n’ont en réalité que pour objet de limiter ce droit.  

Cela interroge.  
Cela effraie.  
Cela nous oblige.  

Prenons nos responsabilités.  

Cette responsabilité nous incombe vis-à-vis de nos concitoyennes et de nos concitoyens en premier lieu mais aussi vis-à-vis de nos voisins. Parce que oui, la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l’IVG est aussi un symbole dont nous devons être fiers. Je ne doute pas que d’autres pays suivront ce mouvement. 

Alors, en ce jour international du droit des femmes, la cérémonie du scellement de la modification de la Constitution par le Président de la République pour acter définitivement la liberté garantie de recourir à l'IVG, est historique. 

Une reconnaissance de la nation pour l'ensemble de ces femmes, célèbres et anonymes, qui ont lutté ardemment pour que ce jour existe.